La situation économique
L’Inde fait 3 300 000 km² et détient le plus grand record de population au monde après la Chine. Selon les dernières prévisions géographiques, elle comptera 1,4 milliard de personnes avant 2022. Très dense démographiquement, l’Inde est aussi un pays qui présente une diversité culturelle extrêmement riche : on y parle plus de 1600 langues, divisées en plusieurs familles dont les plus grandes sont la dravidienne au sud du pays et l’indo-européenne au nord.
À cette mosaïque de langues s’ajoute une mosaïque de religions : 80 % des Indiens sont hindous, 13 % sont musulmans (3ème population musulmane au monde, après l’Indonésie), mais on y trouve également des chrétiens, des sikhs, des bouddhistes, des jaïns et des parsis. La laïcité proclamée de la République indienne n’empêche cependant pas les tensions, parfois très vives, entre les différentes communautés religieuses. [1]
La Révolution verte, enclenchée dans le sillage de l’indépendance de l’Empire colonial anglais en 1947, a permis en quelques années l’autosuffisance alimentaire d’un pays qui, entre-temps, a plus que triplé sa population. Ce miracle indien qu’on attribue en grande partie au Premier ministre Nehru s’est poursuivi avec une deuxième révolution économique majeure : le passage d’une économie dirigée à une économie de marché. Le pays s’est ouvert aux investissements privés et affichait entre 1980 et 2000 une croissance annuelle de 8,5 %. Sa croissance économique semble aujourd’hui en berne, du fait de la démonétisation entreprise par le Premier ministre actuel, Narendra Modi, pour « briser l’emprise de la corruption et de l’argent noir », dans un pays où seul 3 % de la population s’acquitte des impôts sur le revenu. L’Inde continue néanmoins d’afficher une des croissances économiques les plus rapides au monde (7,1 % pour 2016-2017).[2]
Elle possède la deuxième surface cultivée au monde, ce qui lui a permis le décollage économique de la Révolution verte. Le pays est aussi le premier producteur d’épices au monde, le deuxième pour la production de riz et le troisième pour le sorgho. Les ressources naturelles ne se limitent d’ailleurs pas à l’agriculture, puisque l’Inde dispose également de ressources minières importantes, telles que le chrome, le fer ou encore la bauxite. Le pays est aussi le deuxième producteur au monde d’acier. L’Inde ne se contente pas de ses richesses agricoles et minières : très volontariste dans le domaine universitaire, elle possède sa propre « Silicon Valley » et peut se targuer de son statut de pionnière dans le nucléaire civil, mais aussi dans les biotechnologies, la production de médicaments génériques et le secteur informatique. Pourtant, malgré un pôle industriel et technologique mondialement reconnu et son statut de 6ème puissance économique mondiale – l’Inde vient tout juste de détrôner le Royaume-Uni, ancien empire colonial – environ 80 % de sa population vit avec moins de deux dollars par jour. [3]
À Bombay, une des mégalopoles du pays, un habitant sur trois vit dans un bidonville ou « slum », habitat informel et illégal pour pallier la pression de l’urbanisation et de l’exode rural. Cette extrême pauvreté n’est pas sans rapport avec le système séculaire des castes. En Inde, les plus pauvres proviennent de trois catégories sociales : les musulmans (13 % de la population), les Dalits ou intouchables (environ 200 millions de personnes, soit 20 % de la population indienne) et les aborigènes ou Scheduled tribes (un peu plus de 8 % de la population). La pauvreté de ces deux dernières catégories s’explique sans mal par la nature des tâches qui leur sont (exclusivement) attribuées. La pauvreté qui frappe massivement les Adivasis (une tribu aborigène) est liée à leurs activités très traditionnelles telles que le ramassage du bois ou la collecte de feuilles de tendu pour faire les papiers de cigarettes, leur très faible niveau d’éducation et les déplacements forcés auxquels ils ont été confrontés à de multiples reprises [4]. Quant aux Dalits, c’est à l’aune de la marginalisation qu’ils ont subie et continuent de subir aujourd’hui que l’on peut comprendre cette pauvreté apparemment endémique.
En somme, l’Inde est un pays riche, aussi bien en termes de ressources naturelles que de diversité culturelle, linguistique et religieuse. La libéralisation économique entreprise dans les années 1990 a fait de celle-ci une des locomotives économiques de la planète. Malgré ce décollage économique impressionnant, 80 % de sa population vit encore sous le seuil de pauvreté. Cette pauvreté est d’ailleurs intimement liée au statut des individus, car les plus pauvres sont aussi les plus marginalisés. En dépit de la volonté officielle de mettre fin au système injuste et discriminatoire des castes, force est de reconnaître que les mentalités peinent à évoluer et que les castes ont encore de beaux jours devant elles.
[1] Inde, l'équilibre des contraires 1/2, Arte TV, Le dessous des cartes, 2011
[2] Inde, le pari de Modhi pour lutter contre "l'argent noir" , Le Monde, novembre 2016
[3] Inde, l'équilibre des contraires 1/2, Arte TV, Le dessous des cartes, 2011
[4] Christophe Jaffrelot, La pauvreté en Inde. Une bombe à retardement ?, CERISCOPE Pauvreté, 2012